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Représentation d'après nature de la danse de saint Guy (Chorea Germanorum) par P. Breughel. - Esquisse de Rubens.

Dans une de ses dernières conférences à la Salpetrière, M. Charcot a fait passer sous les yeux de ses auditeurs la copie d'un dessin du XVI siècle, lequel, évidemment pris sur nature, représente un épisode d'une de ces processions dansantes (Springprocessionen), qui, à cette époque, avaient lieu chaque année Echternach petite ville située entre Trèves et Luxembourg, autour de la tombe de saint- Willibrod. On sait que ces processions ont été à juste titre considérées comme une émanation et un des derniers vestiges de la fameuse danse de Saint-Guy (Chorea Germanrum) qui, à plusieurs reprises, a régné sous forme pandémique, dans les provinces du Rhin, pendant le cours des XIV et XV siècles.

Le dessin en question nous fait pour ainsi dire assister à une danse de Saint-Guy, en quelque sorte atténuée; mais il est facile, à première vue, d'y reconnaitre que l'hystérie et l'hystéro-épilepsie jouaient là, comme elles l'ont fait très-certainement dans les épidémies proprement dites, un róle prédominant ; c'est un simple croquis, mais c’est, on le voit, un croquis fort instructif pour le médecin. Il est de la main de ce P. Breughel, qu'on a quelquefois surnommé le peintre des paysans, parce qu'il s'attachait surtout à représenter les scènes populaires ou encore Wiesen Breughel, Breughel le drôle. L'original fait partie de la galerie de l'archiduc Albert, à Vienne. On en trouve une reproduction dans l'intéressant ouvrage de M.P.Lacroix (Vie militaire et religieuse au Moyen-Age et à l'époque de la Renaissance, Paris, 1813).

Une série de femmes, soutenues chacune par deux hommes et précédées par des joueurs de cornemuse, qui soufflent à pleins poumons dans leurs instruments, se dirigent en dansant, sur une seule file, vers une chapelle qu'on aperçoit dans le lointain et où se trouvent sans doute déposés les restes du saint. Ce sont des gens du commun, car leur mise est à peu près celle des paysans qui figurent dans les tableaux de Téniers et de Brauwer.

L'ordre de la procession se trouve de temps en temps troublé, plusieurs des pèlerines, en effet, en proie aux tourments d'attaques dont le caractère ne peut être méconnu, gesticulent, se contorsionnent et se débattent sous l'étreinte de leurs compagnons; ceux-ci - et c'est là peut-étre leur principale fonction - font tous leurs efforts pour les contenir et les empécher de tomber à terre. La scène est, on le voit, fort animée; elle devait étre aussi fort bruyante, car quelques-unes des énergumènes semblent crier à tue-tète.

Sur le second plan se voit un ruisseau où des serviteurs empressés vont puiser à l'aide d'écuelles. L'eau qui y coule est douée peut-être de propriétés curatives ; en tout cas elle pouvait servir à étancher la soif dont souffraient certainement les principaux acteurs. Certains épisodes que l'artiste, en homme discret, a relégués dans les parties les moins en vue de son tableau, font reconnaître jusqu’à l’évidence que la lubricité n'était pas toujours, tant s'en faut, bannie de ces assemblées.

Dans cette même conférence, M. Charcot a montré un autre dessin qui concerne encore l'histoire de l'hystéro- épilepsie. Il s’agit d'une lithographie faite par J. Scarlett Davis d'après une esquisse attribuée à Rubens et qui, en effet, ne parait pas indigne du maître. En examinant ce tableau qui représente, dans toute leur vérité, les contorsions d'une démoniaque, on se remet en mémoire quelques-unes des questions adressées à la Faculté de Montpellier par le père Santerre, de Nîmes, à l'époque où la démonopathie sévissait à la fois à Loudun et dans le Languedoc (1632, 1639).

« Le pli, courbement et remuement du corps, la tète touchant quelquefois la plante des pieds, avec autres contorsions et postures étranges sont-ils un signe équivoque de possession? »

« L'enflure subite de la langue, de la gorge et du visage et le subit changement de couleur sont-ils des caractères certains de possession ? » etc., etc.

On sait que la docte Faculté répondit, avec raison, qu'il ne fallait voir dans tout cela que des phénomènes naturels, mais elle oublia de dire que ces phénomènes appartiennent à l'affection hystérique, dans sa forme grave, dont ils sont des manifestations vulgaires.

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