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Vie Sociale et Traitements 2002- 1 (no 73)| ISSN 0396-8669 | ISSN numérique : en cours | ISBN : | page 35 à 38 Distribution électronique Cairn pour les éditions érès. © érès. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. |
Enquête
GREPFA/ADESM
sur l’accueil familial thérapeutique
Jacques
Brunier
directeur du Centre hospitalier de Vendôme
1
Nombre d’établissements de santé interrogés, adhérents à l’ADESM : 191.
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Nombre de réponses : 128 soit 67,01 %.
I. Ne pratiquent pas l’AFT
42 établissements, soit 32,81 % des établissements qui ont répondu.
Motifs
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· Le dispositif est à la fois complexe dans le mode de rétribution des familles et globalement coûteux pour l’établissement, ne répondant pas aux problèmes posés par les patients ou ne représentant pas une véritable alternative à l’hospitalisation : 42 % des réponses.
· Le poids de la prise en charge thérapeutique et le manque de familles d’accueil souvent lié à ce poids : 23 %.
· Dispositif non demandé par les médecins ou les soignants : 9 %.
· L’établissement a déjà mis en place un accueil social : 9 %.
· Le projet est en cours ou à l’état de réflexion : 19 %.
· Autres motifs : 15 %,
o faiblesse des moyens financiers de l’établissement,
o carte sanitaire,
o dossier refusé par la tutelle,
o choix d’autres alternatives,
o « principe de moralité » opposé par un conseil d’administration (tirer « profit » de l’accueil d’un handicapé).
NB : Le total de 117 % signifie que des établissements ont donné plusieurs réponses à une même question.
Accueil social
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Outre les quatre établissements qui ont indiqué ne pas pratiquer l’AFT parce qu’ils ont déjà organisé un accueil social, six autres établissements pratiquent l’accueil social. Au total, 23,8 % des 42 établissements ne pratiquant pas l’AFT utilisent l’accueil social.
En guise de conclusion sur ce premier point
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Le pourcentage important de non pratique de l’AFT au regard du premier motif indiqué ci-dessus (dispositif à la fois complexe dans le mode de rétribution des familles et globalement coûteux pour l’établissement : 42 % des réponses) pourrait inciter à une réflexion sur un éventuel partage des prises en charge, dans le souci d’une plus grande souplesse de fonctionnement, par exemple une prise en charge thérapeutique par l’établissement qui aurait alors la responsabilité des seules prestations se rapportant aux soins et, parallèlement, la prise en charge par un organisme à but non lucratif des prestations matérielles (logement, gestion du contrat de travail, organisation des congés ou vacances des familles…)
II. Pratiquent l’AFT
86 établissements, soit 67,19 % des établissements qui ont répondu.
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NB : Le total des pourcentages supérieurs à 100 % signifie que des établissements ont donné plusieurs réponses à une même question.
Structure de la famille d’accueil
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· Familles traditionnelles ou dites thérapeutiques [1]: pour 85 établissements, soit 98,83 %.
· Communautés d’accueil thérapeutiques [1]: pour 8 établissements, soit 9,30 %.
· Nombre de patients accueillis par communauté :
o 1 patient : 2 communautés,
o 2 patients : 3 communautés,
o 3 patients : 1 communauté,
o 10 patients : 1 communauté,
o 14 patients : 1 communauté.
· Autres familles d’accueil :
o 16 monoparentales, soit 18,60 %,
o 1 pension communautaire : hébergement géré par une association qui met à disposition un logement de fonction pour un couple d’hôtes rémunéré comme famille d’accueil. La pension communautaire regroupe 5 patients sous statut AFT et 2 patients en appartements associatifs.
Nombre de patients par structure d’accueil
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· 1 patient : 66 structures, soit 76,74 %.
· 2 patients : 62 structures, soit 72,09 %.
· plus de 2 patients (dérogation) : 12 structures, soit 13,95 % :
o deux établissements indiquent que le recours à plus de deux patients par famille est limité à la période des vacances scolaires,
o quatre structures (en plus des 12 précitées) se sont vu refuser la dérogation sur le nombre d’accueillis par famille, aux motifs suivants : non-conformité des locaux, nombre de patients trop élevé, cumul d’agréments avec d’autres organismes, autre (non précisé).
Problèmes rencontrés avec les familles
· Liés au projet thérapeutique : dans 21 établissements, soit 24,41 %, les deux principales raisons évoquées sont le non-respect du contrat des soins et une collaboration difficile avec les familles. Même si l’établissement choisit la famille d’accueil en fonction du projet thérapeutique qu’il rédige, certaines familles, qui voient d’abord l’avantage matériel sans toujours mesurer les obligations qu’elles contractent, ne sont pas prêtes à assumer pleinement la prise en charge de personnes difficiles, en particulier d’adolescents. À l’inverse, certaines familles vont parfois au-delà du projet thérapeutique par trop grand souci rééducatif, lequel peut mettre le patient en difficulté. Le projet thérapeutique pose parfois problème par la surestimation ou la sous-estimation des possibilités du patient : certains établissements ont donc pris le parti d’en limiter le contenu à l’indication, sous une forme appropriée, de la pathologie du patient et du type de soins nécessaires.
· Liés au « statut » des familles d’accueil : dans 45 établissements, soit 52,32 % la quasi-totalité des réponses regrettent, voire dénoncent :
o l’absence de statut pour les familles accueillant des adultes (alors que les assistantes maternelles disposent d’une réglementation),
o les disparités de traitement entre les familles d’accueil des adultes et les assistantes maternelles, notamment en termes de précarité d’emploi, de repos, de maladie, de retraite,
o l’insuffisance globale des rémunérations et leur interruption, en tout ou partie, lorsque le patient s’absente.
· Trois établissements (soit 3,48 %) jugent le système de rémunération trop complexe.
· Dans les relations avec les patients, pour 19 établissements, soit 22,09 %, la mauvaise adéquation entre le dispositif représenté par l’AFT et la pathologie du patient apparaît comme la principale source de difficulté. Ce n’est pas tant l’AFT qui est remis en cause que certaines de ses composantes. Ainsi, les familles qui donnent à l’éducatif une dimension prépondérante agissent parfois dans un cadre trop étroit, des règles trop strictes, pour autoriser les aménagements nécessaires aux fluctuations psychiques du patient.
· Par ailleurs, certaines familles vivent difficilement des problématiques telles que la dépendance alcoolique, la distance physique ou affective perturbée de certains psychotiques.
· Pour remédier à ces situations, deux établissements ont entamé une approche méthodique afin d’améliorer la relation accueillant-accueilli, notamment : information régulière de la famille d’accueil, demandes précises sur ses besoins de formation.
· Autres problèmes rencontrés (problèmes institutionnels ; les problèmes internes aux établissements relevant de leur propre organisation ne sont pas traités ici) :
o la place de la famille d’accueil au sein de l’équipe soignante et le suivi des familles d’accueil,
o l’usure des familles d’accueil qui ne se voient pas offrir de temps de repos, sauf à ne plus être rémunérées,
o un établissement évoque un problème de religion.
Difficultés marquantes dans le système de rétribution des familles
· Rémunération journalière, pour 23 établissements, soit 26,74 %.
o Sur les quatre éléments de rétribution, la rémunération journalière, jugée insuffisante, représente à elle seule plus de la moitié des plaintes exprimées sur l’ensemble du « statut » des familles d’accueil.
o À la disparité de traitement entre famille d’accueil d’adultes et d’enfants précédemment évoquée, s’ajoute ici la disparité de traitement entre accueil thérapeutique et accueil social, ce qui amène certains établissements à rechercher, avec le Conseil général, une harmonisation des pratiques, avec la perspective supplémentaire d’éventuelles transformations d’AFT en AS pour les patients très stabilisés.
· Autres éléments de rétribution :
o Trois établissements font observer que l’indemnité représentative de frais d’entretien courant est suspendue pendant l’absence du patient alors qu’à son retour le surcroît de travail de blanchisserie n’est pas pris en compte.
o Le régime fiscal du loyer est évoqué en terme critique par sept établissements (8,13 %), de même que son montant non « statutaire ».
o L’indemnité correspondant aux prestations de soutien offertes au patient devrait, pour six établissements, tenir compte des différentes formes d’accueil (continu ou discontinu).
Globalement, les trois-quarts des établissements se déclarent satisfaits sur les modalités de rémunération, dès lors qu’ils ont pu faire adopter par leur conseil d’administration un dispositif faisant de la personne agréée une salariée contractuelle, qui bénéficie de congés payés avec ou sans patient et, dans le cadre d’absence du patient, d’un maintien partiel de la rémunération.
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Sur ce dernier point, plusieurs établissements ont retenu les mêmes dispositions : rémunération journalière maintenue à 50 %, loyer maintenu en totalité, dans la limite de deux mois.
La situation des patients qui demeurent réglementairement sous le régime de l’hospitalisation complète
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· 50 % des établissements jugent cette réglementation adaptée, notamment en termes de suivi thérapeutique. Une partie des ces établissements souhaite néanmoins que cette situation ne fasse pas obstacle, épisodiquement et selon les besoins, à d’autres formes de prise en charge à temps partiel dans le cadre d’un AFT.
· 50 % des établissements critiquent cette réglementation, en tant qu’elle ne reconnaît pas l’AFT comme la véritable alternative à l’hospitalisation complète qu’elle est réellement.
Quelques établissements estiment pouvoir s’appuyer sur l’arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et aux services de lutte contre les maladies mentales, pour conclure que l’AFT étant une alternative à l’hospitalisation, ils sont en droit d’en tirer les conséquences financières pour le malade au regard de l’AAH, du forfait journalier, voire de l’allocation logement.
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Cette non-reconnaissance de l’AFT comme alternative à part entière, dans toutes ses conséquences juridiques ou financières, non seulement ne correspond pas à la réalité du terrain, mais de surcroît, ainsi que le soulignent de nombreux établissements, va à l’encontre de la recherche d’autonomisation du patient. Dans l’hypothèse, certes théorique, du placement d’un patient n’ayant au préalable jamais été hospitalisé, le régime juridique actuel de l’AFT conduirait inutilement à un marquage institutionnel accentué de l’hospitalisation.
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Toutefois, aucun établissement n’indique que les patients demandent la remise en question de ce lien organique présenté comme une sorte de garantie, pour le patient, de n’être pas abandonné et comme une source de moindre anxiété qui, sinon, s’ajouterait à celle que représente déjà la problématique de vie en famille d’accueil.
Quelles réformes les établissements souhaitent-ils voir mettre en œuvre ?
· La quasi-totalité des 43 établissements ayant jugé inadaptée la situation administrative des patients demande la reconnaissance explicite de l’AFT comme alternative à l’hospitalisation avec les conséquences juridiques que cela comporte pour le patient, notamment la suppression de l’abattement de l’AAH et du versement du forfait journalier.
· Encore faut-il s’assurer, comme le font observer deux centres hospitaliers, que la rupture du lien avec l’hospitalisation complète ne pose pas plus de problèmes qu’elle n’en résout, notamment au regard des questions financières : quelles nouvelles relations entre accueillant et accueilli si des problèmes d’argent viennent s’y ajouter ? Qui sera l’employeur : l’hôpital pour partie ? le patient pour une autre partie ?
· La base légale de l’AFT se limite aux articles 18 et 19 de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 sur l’accueil des personnes âgées ou handicapées adultes, adoptés par voie d’amendement parlementaire. Au surplus, elle manque de clarté et ses textes d’application de références.
· Une réécriture de l’ensemble du dispositif est souhaitée tant dans le code de la Santé publique que dans le code de la Sécurité sociale (forfait journalier), voire dans le code du Travail, et dans les annexes techniques du décret n° 56-284 du 9 mars 1956, d’une part pour reconnaître l’action associative autrement que par des conventions dites expérimentales dépourvues de base légale ou réglementaire, d’autre part pour créer des passerelles entre l’hôpital et les structures médicales ou médico-sociales alternatives.
· Cette réécriture gagnerait à être complétée par des indications sur les prises en charge concomitantes dont relèveraient certains patients en AFT (actuellement, il appartient à l’établissement gestionnaire d’assurer directement le financement de ces éventuelles prises en charge en reversant sur sa propre dotation globale, à l’établissement complémentaire, la participation correspondant aux dépenses engagées par ce dernier établissement).
· Deux établissements souhaitent un dispositif particulier sur l’AFT pour les enfants scolarisés (sans autres précisions).
· Un statut des accueillants (adultes) est demandé soit par référence à celui des assistantes maternelles, soit dans le cadre d’un statut unique d’assistant en accueil familial.
L’application de la réglementation
· 30 établissements (34,88 %) déclarent respecter la réglementation sur le forfait journalier et le versement de l’AAH.
· 22 établissements (25,58 %) reconnaissent ne pas appliquer la réglementation sur le forfait et 15 établissements (17,44 %) sur l’AAH qui est servie à taux plein. Les établissements qui n’appliquent pas la réglementation évoquent le plus souvent la nécessité de désinstitutionnaliser progressivement le patient afin qu’il redevienne un sujet social et autonome.
· 34 établissements ne répondent pas à cette question… facultative sur l’application ou non de la réglementation.
L’accueil social
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· 20 établissements pratiquant l’AFT, soit 23,25 %, utilisent également un accueil familial social. La raison principale avancée est de faciliter le glissement de l’AFT vers l’AS pour les patients très stabilisés dont la problématique psychiatrique n’est plus dominante. Se pose alors le problème du maintien du patient devenu adulte dans la même famille d’accueil. Au-delà des aspects pratiques, cette question semble appeler un débat de fond. Cinq établissements déclarent rechercher la solution la mieux adaptée, systématiquement en liaison avec les services sociaux du Conseil général.
· 40 établissements pratiquant l’AFT, soit 46,51 % d’entre eux, n’utilisent pas d’accueil social.
· 26 n’ont pas répondu à cette question.
Autres éléments positifs et négatifs dans la réglementation ou la pratique de l’AFT
· Points positifs :
o Externalisation du patient et non chronicisation.
o Pour les enfants, solution préférable à l’internat.
o Dans l’ensemble, souplesse de prise en charge, même si la flexibilité des formules est parfois insuffisante. Cette souplesse est soulignée comme permettant une grande diversité d’indications.
· Points négatifs :
o Le manque de professionnalisation et de formation des familles, surtout dans les accueils « adultes ».
o Les grandes difficultés pour trouver des familles d’accueil ou de remplacement pendant les congés, particulièrement en milieu urbain : ces difficultés sont parfois rapprochées d’une part à l’absence de statut pour les familles accueillant des adultes, d’autre part à la difficulté de prise en charge des enfants et adolescents.
o Les disparités entre modalités d’agréments, contrats d’accueil, rémunération, protection sociale s’ajoutent aux problèmes de statut des patients et des familles, de densité des équipes d’encadrement qui varient beaucoup d’un établissement à l’autre.
o Le clivage des blocs de compétences entre dépenses sociales et dépenses médicales empêche le développement d’expériences médico-sociales.
Notes
[1]
Rappel : Art. 5 de l’arrêté du 1er octobre 1990, « L’unité d’accueil familial thérapeutique peut être constituée soit par une famille au sens traditionnel du terme, soit par une famille dite thérapeutique constituée spécialement pour accueillir les malades, soit par une communauté d’accueil thérapeutique. La famille dite thérapeutique regroupe deux adultes des deux sexes. La communauté d’accueil thérapeutique regroupe plusieurs adultes des deux sexes, dont le nombre est apprécié en fonction de celui des patients accueillis et la nature de leur pathologie. »